Eux les arbres

Depuis que j 'apprends à connaitre les arbres, je ne regarde plus mes plantes en pot de la même manière. Les mettre en pot, les contraindre et les isoler, les faire dépendre de mon bon vouloir en eau en nourriture en lumière, n'est-ce pas abuser du vivant ? Mon balcon et mon intérieur seraient bien vides sans elles, mais si j'ai besoin d'elles, en définitive, les plantes n'ont, elles, sinon celles mises en pot, certainement pas besoin de moi. C'est bien là peut-être tout la faille qui nous conduit, d'une certaine manière malgré nous, à détruire la planète : nous avons besoin d'elles alors que le monde végétal se porterait beaucoup mieux sans nous. Il y a sans doute dans notre inconscient collectif l'héritage des premiers hommes qui ont du se battre contre cette nature qui les dépassait et les ignorait. Nous sommes plein de ressentiment et d'ingratitude à son égard et on le lui fait payer cher.
L'écologie est l'enjeu majeur de ce 21ème siècle et la Fondation Cartier se devait d'en être acteur. C'est réussi, pleinement réussi, jusqu'au titre « Nous les arbres » qui élève les arbres au rang de peuple, en capacité de donner voix, de coloniser notre imaginaire et de reprendre la place qui leur est due.
J'ai été sensible tout particulièrement aux artistes qui prennent le temps, un temps long, non à l'égal de celui des arbres, nos vies sont bien trop courtes, mais un temps qui mimerait celui des arbres, tentant d'approcher cette lente montée de sève qui élève les cimes, fait grossir le houppier et s'élancer les troncs toujours plus haut , qui prennent le temps donc de construire leur œuvre, trait après trait, numéro après numéro, ou encore, telle Johanna Calle mot après mot.
J'ai adoré les peintures grandioses du brésilien Luiz Zerbini qui associe monde urbain et monde végétal, le rationnel, le dominé, avec la nature, l'indompté.
Ce travail par accumulation donne des peintures exubérantes, d'une richesse incomparable, aussi bien dans les couleurs, le graphisme que dans les objets représentés : on y voit des éléments récurrents tels une basket, un transistor, des oiseaux, etc, comme s'il voulait mobiliser tous nos sens.
Récurrente aussi l'architecture géométrique et colorée, en arrière plan, qui bien sur fait penser à la cité radieuse de Le Corbusier. Sur le coup c'est le Peintre Peter Doig qui m'est venu à l'esprit, lui qui a peint l'unité d'habitation de Briey.

Clin d'oeil appuyé de Luiz Zerbini à ce peintre ? Peut-être pas. À Le Corbusier sans doute. Il existe à Paris, à la cité des arts, un pavillon du brésil, sur le modèle de la cité radieuse . De même qu'à Rio de Janeiro un projet architectural chapeauté par Le Corbusier, Le Palais Capanema, abrite le ministère de l'éducation. Zerbini ainsi procède par citations, opérant une synthèse entre culture et nature, ce qui apparait également dans sa table-herbier sise au centre de la pièce.
C'est une expo tellement riche, et féconde, que je ne peux ainsi tout montrer, je n'ai d'ailleurs pas eu le temps de tout réellement voir et écouter, il va falloir que j'y retourne. Un dernier quand même, que j'affectionne tout particulièrement : Fabrice Hyber, juste pour le plaisir de le citer .
Ce post je le dédie aux arbres, malmenés par Bolsonaro et d'autres, aux arbres qui flambent en Sibérie, dans le sud de la France, et ailleurs, jusqu'au Groeland etc. Je hais les journalistes qui précisent après avoir montré des images de ces feux : « heureusement il n'y a pas de victimes à déplorer ». Pas de victimes ? Quand des milliers, que dis-je ! des millions d'hectares disparaissent, les animaux avec eux ? Pauvre monde…
Et n'oubliez pas, si vous cherchez un livre pour cet été, L'Arbre-monde de R. Powers. C'est par ici :
http://la-passoire.over-blog.com/2018/11/l-arbre-monde-de-r.powers.html