L'Arbre-Monde de Richard Powers

Publié le par Sandrin

Quand l'histoire des hommes rencontre celle des arbres ça donne un livre dense, un livre-mondes. Rarement un livre m'a autant émue. C'est que le roman peut beaucoup, sinon tout : remonter les cours du temps pour sonder les origines, créer à partir de ces filets d'eau vive des points de confluences qui vont charrier des espoirs en un long fleuve agité, avant de se disperser en ruisseaux moribonds, ou encore, pour le dire autrement et opter pour une métaphore sylvestre, y semer quelques graines qui germeront et se laisseront porter par des vents pleins du vacarme du monde - et de sa poésie, - se croiseront, s'agiteront et s'écrouleront, défaites par l'indifférence et l'esprit du temps tout entier adonné au productivisme et à la rentabilité. Et, clairsemées, les forêts entrain d'agoniser, mais possiblement survivantes de notre chaos.

J'entends maintenant le murmure inaudible de ces vastes étendues décapitées par masse.

Il y a bien sur un discours écologique, mais le dire est appauvrir le livre, peut-être parce que le mot même d'écologique pourrait laisser penser qu'il s'agit seulement d'un roman à thèse. Mais ce serait occulter le pouvoir évocateur du livre, qui ne cesse de faire vibrer des vies qui nous sont inconnues et qui sait donner un visage aux âmes meurtries, aux vies éphémères, grandes dans leur détresse et désir de vouloir sauver le monde, de vouloir en extraire un peu de justice et de beauté. L'Arbre-Monde est un monde dans le monde, qui s'ouvre à nous et s'offre à nos consciences atrophiées par trop de rationalisme et d'intelligence. Et pourtant c'est un livre intelligent, juste, justement équilibré, qui tente de saisir la complexité due aux intrications des vies et des nécessités de chacun. Powers y parle aussi d'écoterrorisme, montrant ses errements mais aussi combien la dénomination est suspecte, facilement brandie pour réprimer et permettre de mieux anéantir ceux qui se révoltent contre les injustices, pour abattre toute voix qui s’élèverait contre la doxa mercantiliste. L'abattage et le battage médiatique, voilà bien deux fléaux, parmi d'autres.

Oeuvre-monument, contre l'oubli et le déni, avec, pour prolonger l'aventure, le dernier mot du livre (que je ne dévoilerai pas ici, que je vous laisse découvrir), un mot simple, éclos avec la vie, - vocable amoureux dont l'écho  se répercute depuis que le monde est monde. 

Soyons à l'écoute.

 

Publié dans A lire urgemment

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
C
Bonjour, <br /> Merci de ce partage, un ouvrage très intéressant.<br /> Bonne journée<br /> @ plus
Répondre