Sur leur réserve
Dans le cadre du Prix Marcel Duchamp au Centre Pompidou, une installation de Charlotte Moth.
Quatre statues qu'éclaire un disque en laiton, lui même éclairé par des spots accrochés sur les rails du plafond. L'espace est circonscrit par un mur vert pastel en demi cercle.
Ma première impression a été de me dire que ces statues dans cet espace confiné, au milieu des bruits des autres installations, manquaient d'air tout simplement, de ciel et de vent. Ca n'a l'air de rien mais de cet espace j'ai eu en fait du mal à m'extirper - non pas pétrifiée, mais fascinée par ces quatre statues auxquelles je n'aurais pas prêté attention dans un parc. Fascinée car ces sculptures ont été exhumées des réserves de la ville où elles se tenaient jusqu'alors inaccessibles, enfouies dans l'oubli, et sont, par un dispositif simple mais étonnamment efficace, rendues à leur visibilité : présences énigmatiques surgies d'un temps oublié, chacune isolée sur son socle, solidaire des autres par cette teinte dorée qui parcourt l'espace, à l'instar du visiteur amené à le parcourir, le hanter plus exactement, tournant autour d'elles, allant de l'une à l'autre, comme dans un rêve plein de douceur et de tendresse.
Et c'est le visiteur qui devient peu à peu invisible, tenu à distance par ces sculptures qui ne le regardent pas, - fantôme surgi d'un autre espace temps qui aurait la possibilité de s'immiscer dans une nouvelle réalité, - voyeur silencieux et impuissant de ce qui a été et qui est, pour l'éternité, figé dans le marbre.
Et, sortant moi aussi de ma réserve, j'ai pris à mon tour la pose, agrippée à mon appareil photo, pour être certaine d'exister encore -un peu..